Mon intérêt pour la poésie n'est un secret pour personne, compte tenu des billets à saveur poétique que j'ai publiés sur ce blog. La nostalgie d'un Musset, la noirceur d'un Baudelaire ou encore la mélancolie d'un Verlaine me touchent profondément de par les images sublimes, souvent déchirantes, qu'elles éveillent. Mais récemment, ce sont les poèmes en prose d'une certaine poétesse qui m'ont subjugué. Il s'agit de Renée Vivien, parnassienne du début du XXe siècle, reconnue entre autres pour sa traduction des poèmes de Sapho et pour ses histoires cruelles aux teintes saphiques.
Si ce dernier aspect est peu présent dans son recueil Brumes de Fjords, il reste que les histoires en prose que l'on y trouve sont des expériences musicales en soi ; car Vivien manie merveilleusement l'art de la rythmique et la musicalité des phrases, celles-ci se répétant de manière à la fois sensorielle et réfléchie. Et que dire des images évoquées dans ce livre où les diamants sont des fleurs sans parfum, les trolls des travailleurs aliénés et les morts des amoureux tourmentés ?...
Il va sans dire qu'une atmosphère de mélancolie émane de l'ensemble des poèmes, amalgamée à de l'érotisme ainsi qu'aux désirs chimériques qui mènent au désespoir. Le tout à travers une plume superbe qui n'a rien à envier aux classiques de la poésie.
Brumes de Fjords est disponible en ligne ici. Mais je conseille tout de même la version papier, qui est une impression de l'édition originale, esthétique à souhait. Pour finir, voici un poème en prose qui représente bien la plume de Vivien :
Sur les ondes appesanties, flottait un nuage de cygnes clairs.
Ils laissaient un reflet d’argent dans leur sillage.
Vus de loin, ils semblaient une neige ondoyante.
Mais, un jour, ils aperçurent un cygne noir dont l’aspect étrange détruisait l’harmonie de leurs blancheurs assemblées.
Il avait un plumage de deuil et son bec était d’un rouge sanglant.
Les cygnes s’épouvantèrent de leur singulier compagnon.
Leur terreur devint de la haine et ils assaillirent le cygne noir si furieusement qu’il faillit périr.
Et le cygne noir se dit : « Je suis las des cruautés de mes semblables qui ne sont pas mes pareils.
« Je suis las des inimitiés sournoises et des colères déclarées.
« Je fuirai à jamais dans les vastes solitudes.
« Je prendrai l’essor et je m’envolerai vers la mer.
« Je connaîtrai le goût des âcres brises du large et les voluptés de la tempête.
« Les ondes tumultueuses berceront mon sommeil, et je me reposerai dans l’orage.
« La foudre sera ma sœur mystérieuse, et le tonnerre, mon frère bien-aimé. »
Il prit l’essor et s’envola vers la mer.
La paix des fjords ne le retint pas, et il ne s’attarda point aux reflets irréels des arbres et de l’herbe dans l’eau ; il dédaigna l’immobilité austère des montagnes.
Il entendait bruire le rythme lointain des vagues…
Mais, un jour, l’ouragan le surprit et l’abattit et lui brisa les ailes…
Le cygne noir comprit obscurément qu’il allait mourir sans avoir vu la mer…
Et pourtant, il sentait dans l’air l’odeur du large…
Le vent lui apportait un goût de sel et l’aphrodisiaque parfum des algues…
Ses ailes brisées se soulevèrent dans un dernier élan d’amour.
Et le vent charria son cadavre vers la mer.
Il va sans dire qu'une atmosphère de mélancolie émane de l'ensemble des poèmes, amalgamée à de l'érotisme ainsi qu'aux désirs chimériques qui mènent au désespoir. Le tout à travers une plume superbe qui n'a rien à envier aux classiques de la poésie.
Brumes de Fjords est disponible en ligne ici. Mais je conseille tout de même la version papier, qui est une impression de l'édition originale, esthétique à souhait. Pour finir, voici un poème en prose qui représente bien la plume de Vivien :
LE CYGNE NOIR
Sur les ondes appesanties, flottait un nuage de cygnes clairs.
Ils laissaient un reflet d’argent dans leur sillage.
Vus de loin, ils semblaient une neige ondoyante.
Mais, un jour, ils aperçurent un cygne noir dont l’aspect étrange détruisait l’harmonie de leurs blancheurs assemblées.
Il avait un plumage de deuil et son bec était d’un rouge sanglant.
Les cygnes s’épouvantèrent de leur singulier compagnon.
Leur terreur devint de la haine et ils assaillirent le cygne noir si furieusement qu’il faillit périr.
Et le cygne noir se dit : « Je suis las des cruautés de mes semblables qui ne sont pas mes pareils.
« Je suis las des inimitiés sournoises et des colères déclarées.
« Je fuirai à jamais dans les vastes solitudes.
« Je prendrai l’essor et je m’envolerai vers la mer.
« Je connaîtrai le goût des âcres brises du large et les voluptés de la tempête.
« Les ondes tumultueuses berceront mon sommeil, et je me reposerai dans l’orage.
« La foudre sera ma sœur mystérieuse, et le tonnerre, mon frère bien-aimé. »
Il prit l’essor et s’envola vers la mer.
La paix des fjords ne le retint pas, et il ne s’attarda point aux reflets irréels des arbres et de l’herbe dans l’eau ; il dédaigna l’immobilité austère des montagnes.
Il entendait bruire le rythme lointain des vagues…
Mais, un jour, l’ouragan le surprit et l’abattit et lui brisa les ailes…
Le cygne noir comprit obscurément qu’il allait mourir sans avoir vu la mer…
Et pourtant, il sentait dans l’air l’odeur du large…
Le vent lui apportait un goût de sel et l’aphrodisiaque parfum des algues…
Ses ailes brisées se soulevèrent dans un dernier élan d’amour.
Et le vent charria son cadavre vers la mer.
5 commentaires:
Waouh ! Merci pour cette découverte !
Mais de rien ! ;)
Ah, Renée Vivien ! Ici, j'ai "Cendres et poussières", qui m'avait bien plu.
Je n'ai pas ce livre, mais ce sera chose réglée dans l'avenir. ;)
Mise à part "Brumes de Fjords", je possède les traductions de Sapho, que je n'ai pas encore lues, et "Le Christ, Aphrodite et M. Pépin", avec un Jésus anarchiste et autres éléments grecs plutôt étranges... Sans oublier la "Dame à la louve" ! :)
"La Dame à la louve", sans contredit un de mes favoris ! J'ai bien hâte d'avoir ton avis sur les autres recueils, surtout sur ceux que je n'ai pas lu ! Vivement une discussion prochaine sur les dandys et le décadentisme ;)
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