lundi 31 octobre 2011

Tentative d'éclaircissement

Reality is that which, when you stop
believing in it, doesn't go away.
(Philip K. Dick)


Ce billet est une réponse aux questionnements soulevés ici. Il semble que la notion du silence de mon billet précédent, mais surtout celle que j'utilise couramment lors de discussions philosophiques, ait été mal comprise. Il en est de même concernant son association avec l'existence et, de manière plus fondamentale, avec l'être. Surtout qu'elle n'a rien à voir avec la métaphysique ; elle est plutôt ce qui contourne les illusions métaphysiques, au profit d'une philosophie de l'existence qui ne cherche plus à expliquer le monde, se bornant plutôt à le décrire. Ce qui n'empêche aucune portée concrète et ne restreint en rien la possibilité d'une philosophie pratique.

*

L'être est ce qui est, soit l'évidence pure pour tout sujet existant, alors que l'existence concerne l'ouverture vers cet être, c'est-à-dire l'extase vers la réalité. Et puisque l'existence est (de l'être), elle est à considérer comme un mode de l'être. De là pourquoi chaque existant n'est qu'un point de vue particulier de la réalité.
À ce stade, nous pouvons nous figurer que nos pairs perçoivent l'être autrement que nous-mêmes ; il en est de même pour les animaux et, à un niveau plus élémentaire, pour les organismes cellulaires. Mon point est le suivant : tout organisme vivant relève de l'ordre des existants ; et puisque la grande partie des vivants ne possède guère la faculté du langage propre à l'humain, il s'avère que l'existence et les mots ne sont pas liés directement. Ainsi l'existence baigne-t-elle dans une atmosphère de silence. Or, il suffit que nous nommions un élément du monde pour aussitôt faire surgir l'essence de cette chose, c'est-à-dire l'objet, lequel est toujours déterminé. Mais sur ce point, je m'arrête ici...
L'être est donc silencieux, indépendant du langage (ce que Spinoza a mal compris en confondant l'existence et l'essence des choses), et l'existence consiste en cette ouverture vers le silence de l'être. Je souligne qu'ici, le silence n'est point à comprendre dans son sens quotidien ; il ne concerne en rien le son ou l'absence de son, mais bien plutôt le sens et l'absence de sens. L'être est indéterminé et le langage détermine, au même titre que l'existence est la base et l'essence le surplus.
Une incompréhension de ces propos explique peut-être pourquoi les mots de Sartre furent si mal interprétés ; car comme lui, je considère que l'existence précède l'essence.
Et le silence le langage...

vendredi 28 octobre 2011

Quand le silence s'impose...


En tant qu'êtres subjectifs ayant un vécu et des expériences particulières, nous avons tous notre lot de croyances, c'est-à-dire une atmosphère intérieure qui reflète notre singularité ; et ces croyances déterminent pour ainsi dire notre rapport au monde et à autrui. Il est cependant naturel d'imaginer que les autres possèdent également une intériorité qui leur est propre, et donc leurs croyances particulières.
Pourquoi donc ces propos à mi-chemin entre la philosophie et la pure évidence ? Car hier, alors que je buvais une pinte de Cheval Blanc en échangeant des idées avec des amis, l'un d'eux est parvenu à freiner mon élan comme je m'efforçais de clarifier un point. Chose tout à fait banale, je l'admets. Or, il s'avère qu'il a bloqué ma verve avec une idée précise : celle de l'honnêteté intellectuelle. Et comble de l'ironie, il aurait été malhonnête de ma part de renchérir sur mes propos, puisque les mots se sont soudainement embrouillés dans mon esprit. Le silence s'est donc imposé à moi, et j'ai jugé préférable d'admettre mon impuissance plutôt que d'argumenter de manière chaotique. À mes yeux, une méditation prochaine était requise, ce qui m'amène à l'idée suivante : il vaut se taire que d'ergoter avec mauvaise foi.
Le reste incombe au silence...

jeudi 27 octobre 2011

Le plaisir des cafés

Travailler dans les cafés, c'est l'occasion de voir différents visages, d'avoir son petit espace éphémère et de se retirer dans sa solitude intérieure tout en observant le fourmillement des alentours. C'est l'atmosphère du bavardage mêlé à la musique qui déferle à nos oreilles, de même que l'obligation de bosser sur ses trucs (car sinon, à quoi bon traîner dans les cafés ?) avec l'idée d'une satisfaction imminente.


Et que dire de la promenade qu'il faut faire pour s'y rendre ? Surtout qu'en ce qui me concerne, mes cafés de prédilection sont assez éloignés de chez moi ; il s'agit donc d'instants de silence, de méditation et de contemplation, le tout agrémenté d'un brin d'exercice.
Bref, travailler dans les cafés, c'est ma tasse !


mercredi 26 octobre 2011

L'intériorité de l'éthique


Au cours de ma lecture d'une biographie de l'écrivaine américaine Patricia Highsmith (l'esprit derrière M. Ripley), j'ai appris qu'elle admirait Kierkegaard au point de le considérer comme un maître. Tout comme lui, elle considérait que tout était subjectif, une simple question de point de vue, ce qui rend le fondement de l'éthique plutôt délicat. Comment déterminer de manière sûre ce que sont le bien et le mal ?
Ludwig Wittgenstein, également un lecteur du philosophe danois, considérait pour sa part que l'éthique consiste en un faux problème du fait que tout problème aboutit à une solution alors que la question de l'éthique demeure insoluble. Ainsi est-elle selon lui affaire d'intériorité, c'est-à-dire le propre de l'individu existant.
Pour une écrivaine comme Highsmith, une telle découverte s'avère fructueuse pour l'écriture, considérant qu'elle se plaisait à créer des personnages psychopathes, sans la moindre valeur éthique. Si Kafka, troisième amateur de Kierkegaard, a préféré l'aspect religieux de sa pensée, il reste que la valorisation de la subjectivité est quelque chose d'intéressant pour celui qui s'intéresse davantage à l'existence intérieure des individus plutôt qu'au rôle superficiel qu'ils tiennent en société (quoique ce second revers s'avère tout aussi fécond, ce que prouve un Asimov, par exemple). Car cette intériorité peut parfois surprendre ; Kierkegaard le démontre bien en décrivant Abraham qui conduit son fils en silence vers la montagne dans l'intention de l'égorger...

mardi 25 octobre 2011

Le bourreau absurde


Il suffit d'attraper un mauvais rhume pour s'apercevoir que nous n'avons point le temps de tomber malades. Du moins, est-ce le cas pour les bourreaux de travail comme moi ! Des lectures à faire, un mémoire à travailler, des cours à préparer, des langues à apprendre, des instruments de musique à pratiquer, des textes à écrire et à peaufiner...
Le temps passe si vite, et les journées sont si courtes ; j'ai beau tousser, crachoter et me moucher toutes les cinq minutes, je continue quand même mes trucs jusqu'à ce que je m'effondre sur mon divan. Même mes chats me dévisagent en me voyant tomber d'épuisement alors que je suis pourtant bourré de caféine. Et je ris tant je me trouve absurde tout en étant fier de l'être.
Dans ces moments, je me demande comment l'ennui est possible dans un monde aussi riche que le nôtre. J'aimerais le saisir en quelques minutes seulement via les mots et les promenades cathartiques. Alors, je me presse et me plonge à nouveau dans un travail acharné qu'aucun rhume n'est à même de freiner. Tout au plus suis-je ralenti...
Et je ris de mon absurdité et de la mine que font mes chats !

lundi 24 octobre 2011

Lire par fragments

Quel plaisir de feuilleter au hasard les livres qui garnissent nos bibliothèques ! Prendre un ouvrage sans but précis et en lire quelques paragraphes, pas tant pour y découvrir le sens d'une intrigue qu'afin d'en admirer l'esthétique et la beauté des mots. Il suffit de passer d'un auteur à un autre pour déceler de nombreuses différences stylistiques ; car, lorsque nous lisons 200 pages d'un même livre, le style devient transparent au fil de la lecture, au profit des péripéties, des dialogues, des descriptions... Tout cela, certes, éveille l'imagination et provoque une sorte de spectacle visuel dans l'esprit. Mais si nous parcourons quelques lignes aléatoires au beau milieu d'un texte, ce sont les mots eux-mêmes qui ressortent le plus.
Pour un écrivain, cet exercice est enrichissant et très inspirant. Voyez ces extraits (dont le choix est le fruit du hasard) et jugez-en par vous-mêmes :

Au moment où il entra, deux grands valets de chambre, mieux mis que M. Valenod lui-même, deshabillaient Monseigneur. Ce prélat, avant d'en venir à M. Pirard crut devoir interroger Julien sur ses études. Il parla un peu de dogme, et fut étonné. Bientôt il en vint aux humanités, à Virgile, à Horace, à Cicéron.

– «Ces noms-là, pensa Julien, m'ont valu mon numéro 198. Je n'ai rien à perdre, essayons de briller».

Il réussit; le prélat, excellent humaniste lui-même, fut enchanté.

(Extrait tiré de Le Rouge et le noir de Stendhal)

*

Dans son lit maintenant, Grand étouffait : les poumons étaient pris. Rieux réfléchissait. L’employé n’avait pas de famille. À quoi bon le transporter ? Il serait seul, avec Tarrou, à le soigner…

Grand était enfoncé au creux de son oreiller, la peau verdie et l’œil éteint. Il regardait fixement un maigre feu que Tarrou allumait dans la cheminée avec les débris d’une caisse. « Ça va mal », disait-il.

(Extrait tiré de La Peste de Camus)