vendredi 20 février 2009

Binswanger et la mélancolie

Dans son livre Mélancolie et manie, Ludwig Binswanger (1881-1966), psychiatre suisse qui s'est fortement inspiré de la phénoménologie d'Husserl et d'Heidegger, affirme que « dans le discours du "si", du "si... ne pas", du "si-j'avais" ou du "si-je-n'avais-pas" il s'agit manifestement de possibilités vides. Mais là où il est question de possibilités, il s'agit d'actes protentifs », c'est-à-dire d'actes qui tendent vers le futur, par exemple sous la forme de projets. Selon Binswanger, ce qui est possible ne peut être que futur, puisque « le passé ne contient pas de possibilités. Mais ici ce qui est possibilité libre se retire dans le passé. Cela signifie que les actes protentifs constitutifs [qui tendent vers l'à-venir] doivent devenir des intentions vides. La protention devient de ce fait autonome dans la mesure où elle n'a plus de "à propos de quoi", plus rien qu'il lui resterait à "produire" si ce n'est l'objectivité temporelle du vide "à venir" ou du vide "en tant qu'avenir" ».
Binswanger décrit ainsi d'une manière purement phénoménologique la structure du vécu psychique de Cécile Münch, une mélancolique dont il fait mention dans le livre nommé ci-haut. Ce qu'il veut dire est simple : l'individu mélancolique s'imagine diverses possibilités qui auraient pu s'être produites dans un passé quelconque. Toutefois, la faculté de faire surgir de telles possibilités devrait naturellement servir pour les actes futurs. Évidemment, il est impossible de modifier les instants passés, alors pourquoi s'entêter à vouloir changer ce qui est désormais disparu ? Tel que l'affirme Binswinger, celui qui songe sans cesse à des possibilités tournées vers le passé cessera tout bonnement de considérer l'avenir. Ainsi, le mélancolique ne peut que stagner en raison de sa pusillanimité. Ce n'est pas tout, car en plus de délaisser l'avenir, il considère le présent comme vide, dénué de tout intérêt... Il est noyé dans ses souvenirs qui s'entrechoquent continuellement parmi les vaines possibilités auxquelles il songe...

Bref, je découvre la pensée de ce psychiatre-phénoménologue que fut Binswinger, et je souhaite en faire part ici. J'avoue avoir beaucoup d'intérêt pour la phénoménologie, même si je n'y adhère pas totalement. Une théorie phénoménologique de la mélancolie (et de la manie) ne peut donc qu'attiser ma curiosité.

mercredi 18 février 2009

Moment d'hésitation

Depuis quelques jours, je ne cesse de m'interroger à propos de la rigueur philosophique. Ceux qui s'intéressent à la philosophie et qui ont de bonnes connaissances dans le domaine savent certainement qu'il y a des philosophes plus « sérieux » que d'autres. Par exemple, les Recherches logiques d'Edmund Husserl s'avèrent beaucoup plus complexes et recherchées que les aphorismes d'un Cioran ; ou encore les critiques kantiennes, qui sont, et de loin, plus compliquées que les essais d'Albert Camus.
Pourquoi je me questionne à ce sujet ? C'est car je doute sur la manière que je veux écrire. Devrais-je créer librement seulement lorsqu'il s'agit de fiction ? Écrire des essais qui se voudraient rigoureux et le plus « objectifs » possible ? Concilier la rigueur et l'abandon à la façon de Nietzsche ? En effet, son livre Ecce homo est très subjectif, puisque c'est un homme à moitié fou qui l'écrivit. Mais je trouve cette oeuvre très touchante, malgré la radicalité des propos...
Bref, je m'interroge, et j'ai le sentiment qu'il n'y a guère de réponses décisives.

dimanche 8 février 2009

Le fatras analytique...

Depuis quelques jours, il m'est difficile d'écrire pour moi-même en raison des lectures et travaux scolaires, mais, en cette agréable soirée du 8 février, je me fais plaisir en m'interrogeant sur la valeur des textes en eux-mêmes. Qu'en est-il des écrits divers, que ce soient ceux qui ont jalonné l'histoire ou bien ceux de mes proches ? Est-ce le texte en soi qui représente une certaine valeur, ou serait-ce les idées qui surgissent dans nos pensées suite à la lecture de celui-ci ? Si je m'interroge ainsi, c'est car l'enseignante d'un des cours auxquels j'assiste semble accorder une importance majeure aux textes, et à eux seuls. En effet, le cours sur Platon porte essentiellement sur quelques uns de ses nombreux écrits, lesquels sont lus en classe avec lenteur, d'une manière purement analytique – pour ne pas dire soporifique. Les fameux dialogues de Platon, poète non assumé, sont ainsi tournés et retournés par l'entremise d'une méthode digne de ces philosophes analytiques, qui n'ont jamais su concilier leurs pensées avec la réalité...
La question qui s'impose à mon esprit peut se formuler ainsi : à quoi bon analyser des oeuvres sous une forme logique des plus rigoureuses, qui ne laisse aucun droit à l'imagination du lecteur ? Une telle rigueur scolastique est-elle motivée par la recherche d'une vérité ? Cela procure-t-il un sentiment d'accomplissement quelconque ? Est-ce une forme d'idolâtrie à l'égard des auteurs ? Un trop grand respect de ce qui a marqué l'histoire ? Peut-être est-ce l'expression d'une passion... Ou encore un besoin inassouvi de se tyranniser par le biais d'études arides...
Qu'importe ces questionnements. En autant que ces « analystes » remplissent leurs fonctions ! Car qui sont-ils, si ce n'est que de purs "moyens", c'est-à-dire des gens utiles pour ceux qui n'ont pas de temps à perdre dans le fatras analytique, préférant créer à partir de leurs propres idées ?