mercredi 16 février 2011

La nécessité d'écrire

Dernièrement, mon ami et collègue Guillaume Voisine a rédigé un billet à propos de la vie quotidienne et de l'écriture, qui sont parfois difficilement conciliables. Tout comme lui, je n'ai eu que peu de temps ces dernières semaines pour me plonger tout entier dans mes projets d'écriture. Mais en ce qui me concerne, le besoin d'écrire s'est rapidement fait sentir...
Tandis que certains conçoivent l'écriture comme un divertissement servant à alléger le rude quotidien et que d'autres apparentent la chose à un effort, un travail, voire même un métier, je considère pour ma part l'écriture comme une nécessité, sans quoi un sentiment de vide ne tarde pas à m'envahir. Tristan Tzara a écrit : « J'écris parce que c'est naturel comme je pisse comme je suis malade". Voilà qui traduit parfaitement ma pensée. Il me faut écrire ! une nouvelle, une partie d'un roman, un poème, un journal... N'importe quoi ! En autant que le papier se noircisse de mots, de phrases, d'idées, d'esthétisme... Je considère par ailleurs le retravail d'un texte comme de l'écriture en soi ; car la réécriture s'avère chez moi tout aussi efficace pour assouvir ce besoin impérieux d'écrire.

mardi 15 février 2011

Brève histoire de Kierkegaard

Afin d'être fidèle à la nature spectrale de ce blog, qui n'est pas tout à fait mort, mais qui se manifeste en de rares apparitions, j'évoquerai de manière brève et lacunaire l'histoire d'un philosophe que j'apprécie au point d'en préparer un mémoire dans le cadre de ma maîtrise. Il s'agit de Sören Kierkegaard (1813-1855), philosophe danois qui met de l'avant une pensée de la subjectivité -- en réaction au système philosophique de Hegel, qui vise une certaine forme d'objectivité.
D'entrée de jeu, je souligne que Kierkegaard est un personnage plutôt fascinant, ayant vécu en solitaire pour se consacrer tout entier à l'écriture, subsistant au moyen du seul héritage paternel. Il eut très tôt une éducation religieuse des plus sévères et perdit en l'espace de peu de temps sa mère ainsi que la plupart de ses frères et sœurs. Il se mit alors à croire que ses jours étaient comptés. Dès lors qu'il acheva ses études en théologie et qu'il rompit ses fiançailles avec la seule femme qu'il aura jamais aimée -- Regine Olsen --, il s'empressa d'étaler sa pensée sur le papier en deux œuvres distinctes : l'une philosophique (sous pseudonyme) et l'autre religieuse (signée sous son vrai nom).


Ainsi, dès l'âge de 30 ans, il écrivit avec une verve intarissable. Le jour, il errait dans la ville de Copenhague, accoutré à la manière d'un dandy cynique, canne à la main, haut-de-forme sur la tête ; le soir venu, il se rendait au théâtre, jouant les esthètes nonchalants devant la classe bourgeoise et les amateurs d'art. -- Mais pourquoi s'adonnait-il à une vie aussi légère et insouciante ? La réponse est simple : pour la seule apparence. Une fois rentré chez lui après le spectacle, il allumait le plus de bougies possible pour éclairer sa demeure et, sans même prendre la peine d'enlever son manteau et son chapeau, se mettait à écrire des heures durant, inlassablement, motivé à l'idée qu'il était une exception en ce monde. Il souhaitait ainsi éveiller les gens de leur torpeur au profit du christianisme et de l'individualité ; en effet, le christianisme de Kierkegaard ne concerne en rien l'Église, ni même la doctrine chrétienne ; il s'agit plutôt d'une sorte d'éloge de l'individu, au dépens de la science et de l'histoire.
Et si Kierkegaard se dissimulait sous le masque d'un parfait dandy, c'était avant tout pour cacher son activité littéraire -- bref, une simple ruse philosophique en vue de séduire les lecteurs, par le truchement de l'esthétisme, vers les idées religieuses qu'il tenait tant à cœur. Mais, hélas pour lui ! seul son Journal du séducteur a su éveiller l'intérêt du grand public alors qu'il publiait en parallèle les Discours édifiants...
Il n'en demeure pas moins que Kierkegaard fut un maître incontesté du déguisement, un être mélancolique qui se cachait sous divers masques afin de supporter le spleen qui pesait lourd sur ses épaules. -- N'est-il pas d'ailleurs reconnu comme étant le philosophe de l'angoisse, du désespoir et de l'absurde ?
Le plus surprenant est qu'à chacun de ses ouvrages philosophiques, Kierkegaard en fit imprimer deux exemplaires en vélin : le premier pour lui, l'autre pour Regine -- livres qui tombèrent entre les mains de celle-ci seulement à la mort du philosophe danois. Il est d'ailleurs étonnant qu'il ne lui ait offert aucun ouvrage religieux ; sans doute était-il conscient que ces derniers écrits ne concernaient que lui et son mal de vivre.
Il est au demeurant inutile d'entrer dans les détails de sa pensée, ce blog se voulant davantage ludique que technique. Libre à ceux qui s'y intéressent de dénicher par eux-même les ouvrages de Kierkegaard -- ouvrages d'une rare beauté littéraire en philosophie...