dimanche 8 février 2009

Le fatras analytique...

Depuis quelques jours, il m'est difficile d'écrire pour moi-même en raison des lectures et travaux scolaires, mais, en cette agréable soirée du 8 février, je me fais plaisir en m'interrogeant sur la valeur des textes en eux-mêmes. Qu'en est-il des écrits divers, que ce soient ceux qui ont jalonné l'histoire ou bien ceux de mes proches ? Est-ce le texte en soi qui représente une certaine valeur, ou serait-ce les idées qui surgissent dans nos pensées suite à la lecture de celui-ci ? Si je m'interroge ainsi, c'est car l'enseignante d'un des cours auxquels j'assiste semble accorder une importance majeure aux textes, et à eux seuls. En effet, le cours sur Platon porte essentiellement sur quelques uns de ses nombreux écrits, lesquels sont lus en classe avec lenteur, d'une manière purement analytique – pour ne pas dire soporifique. Les fameux dialogues de Platon, poète non assumé, sont ainsi tournés et retournés par l'entremise d'une méthode digne de ces philosophes analytiques, qui n'ont jamais su concilier leurs pensées avec la réalité...
La question qui s'impose à mon esprit peut se formuler ainsi : à quoi bon analyser des oeuvres sous une forme logique des plus rigoureuses, qui ne laisse aucun droit à l'imagination du lecteur ? Une telle rigueur scolastique est-elle motivée par la recherche d'une vérité ? Cela procure-t-il un sentiment d'accomplissement quelconque ? Est-ce une forme d'idolâtrie à l'égard des auteurs ? Un trop grand respect de ce qui a marqué l'histoire ? Peut-être est-ce l'expression d'une passion... Ou encore un besoin inassouvi de se tyranniser par le biais d'études arides...
Qu'importe ces questionnements. En autant que ces « analystes » remplissent leurs fonctions ! Car qui sont-ils, si ce n'est que de purs "moyens", c'est-à-dire des gens utiles pour ceux qui n'ont pas de temps à perdre dans le fatras analytique, préférant créer à partir de leurs propres idées ?

5 commentaires:

Gabriel a dit…

Ce billet mérite un petit commentaire! Tu poses une question profonde que l'on appelle généralement l'étude de la réception et de l'interprétation. C'est tout un domaine d'étude. À lire à ce sujet: un fameux texte de U. Eco « Interprétation et surinterprétation », « L'oeuvre ouverte » encore de lui ou un livre présentant ce genre de débat: Le démon de la théorie, Littérature et sens commun. Voilà! J'en aurais plusieurs autres venant de mon intérêt pour l'interprétation et l'esthétique de la réception, mais je t'en parlerai plus tard.

Personnellement, je pense que l'étude attentive d'un texte tout comme n'importe quelle sorte d'archivage a une place dans l'économie (au sens de l'organisation) du savoir. Comme il n'y a pas de création sans savoir, il n'y a pas de savoir sans recherche. Recherche qui se fait sur une création. Vois là une sorte de circularité qui est intéressante pour la culture. L'important, c'est le savoir que chaque élément a sa place. Ce professeur que tu critiques a sa place comme interprète d'un texte. C'est une forme d'interprétation comme d'autre. Elle est valable parce qu'elle créer du savoir, qu'elle organise un savoir.

C'est un peu ce que tu dis, non? Je pense qu'il faut se plier à une sorte de savoir pour permettre un pont entre ce type de savoir que tu critiques et de l'autre celui plus créatif. Ce n'est pas seulement aux analystes à se plier au monde de la créativité, mais aussi aux créateurs à se calmer un peu et à se laisser aller à la table de la réflexion.

Coeus a dit…

Gabriel, tu as définitivement adopté des patois de Michel Onfray et c'est très comique !

Comme dans tout, je crois qu'il y a là question d'équilibre. Comme la forme et le fond, le contenant et le contenu, ont autant une place l'un que l'autre pour juger de la valeur d'un texte, autant la "poésie" et la "valeur analytique" doivent aussi se balancer dans le total des écrits disponibles.

Ceci dit, je pense qu'aucun des deux n'est mieux que l'autre, tant qu'on comprend le but de l'écrit et de son auteur. Platon était peut-être un poète, mais plusieurs de ses écrits laissent vraiment beaucoup de place à une intense analyse. Entre le beau, le bon et le vrai, j'ai l'impression qu'il était surtout dans la recherche du vrai.

Dans le doute, posons le livre et discutons-en avec quelqu'un de vivant. Dans cette optique, je suis d'accord avec l'initiative de l'auteur de ce blogue.

David Hébert a dit…

Il est selon moi évident que les textes anciens méritent d'être étudiés et analysés, parce que seule une recherche dans le texte permet de comprendre le propos de l'auteur. Mais est-ce qu'une telle recherche a sa place dans un cours ? Une étude philologique aussi stricte mérite-t-elle d'être élaborée devant un groupe de cinquante étudiants ? Il y a à mon avis un juste milieu entre l'analyse et la créativité, et ce que je critiquais dans mon message, c'est le manque total de créativité au profit de la recherche analytique (j'en aurais fait de même pour un excès de créativité où le texte aurait été mis en arrière-plan).

Jean-Louis Trudel a dit…

Hmmm, je répondrais que ceux qui sont convaincus de créer à partir de leurs propres idées gagneraient parfois à fouiller un peu ce qui s'est déjà fait dans le passé... Qu'au moins les hommages soient délibérés!

Quant à l'approche de la prof, je ne peux pas la commenter sans en savoir plus. On peut analyser un texte de Platon de multiples façons : en analysant la structure de l'argumentation et de la composition du texte, en analysant les arguments eux-mêmes, en expliquant le contexte historique et philosophique (dans la mesure où il est connu) des affirmations et thèses de l'argument; en explorant les prolongements ultérieurs de certaines idées... (Après tout, on a déjà soutenu que ces prolongements conduisaient jusqu'à la décision des États-Unis d'envahir l'Irak.)

J'ai mes propres idées sur ce qu'il est loisible d'enseigner à des étudiants du premier cycle, que ce soit pour l'acquisition d'une méthode et d'une discipline intellectuelle, ou pour transmettre un savoir. Peut-être que la prof en attend trop de ses étudiants. Mais plaider la valeur de l'ignorance, c'est autre chose...

David Hébert a dit…

Ce qui a motivé ce billet, c'est l'idée qu'une approche trop "analytique" de la lecture d'un texte étouffait le côté "créatif" de l'interprétation de l'oeuvre. La philosophie n'est nullement une chose immobile ; chacun interprète différemment certaines idées philosophiques. Toutefois, un rejet total de la culture n'est aucunement préférable.