jeudi 5 juin 2008

La Maladie à la mort

La Maladie à la mort, également connu sous le titre du Traité du désespoir, est une oeuvre de Søren Kierkegaard (1813-1855), philosophe Danois et père de l'existentialisme. C'est sous le pseudonyme humoristique d'Anti-Climacus que Kierkegaard a signé son ouvrage.
Cette oeuvre, qui peut être considérée comme « trop rigoureuse pour être édifiante, et trop édifiante pour être rigoureusement scientifique », débute en affirmant que la science, par sa méthode historico-critique indifférente à l'élévation spirituelle, n'est qu'une curiosité inhumaine. Oser devenir soi-même, c'est-à-dire un homme individuel et seul devant Dieu, c'est cela l'héroïsme et le sérieux véritable que seul le chrétien peut posséder selon Kierkegaard. Ceux qui ne se soucient pas de sa propre réalisation en visant Dieu sont considérés comme des désespérés. En quoi consiste le désespoir ? Pour Kierkegaard, c'est une impasse existentielle, une maladie menant à la mort spirituelle, celle-ci étant « la plus grande misère de l'esprit ».
Selon Kierkegaard, le mal suprême n'est pas la mort biologique, mais la mort spirituelle, ou le désespoir. C'est pourquoi il traite du chrétien en tant qu'individu ayant « reçu comme chrétien un courage inconnu de l'homme naturel, [...] en apprenant à craindre ce qui est plus terrible encore que la mort ».
L'homme est un esprit, un « moi » qui résulte de la synthèse entre l'âme et le corps. Quand au devenir de l'esprit, il provient d'une réflexion sur soi. Bref, l'esprit est une synthèse entre l'infini et le fini. Kierkegaard affirme que l'homme qui désire devenir soi-même ne peut se réaliser seul. Les malades, ou les désespérés, croient pour leur part qu'il est possible de se réaliser seul. Cependant, c'est pour Kierkegaard une grave erreur de croire que l'homme peut être indépendant de Dieu. Pour guérir du désespoir, il faut qu'il y ait une harmonie d'une relation de différence et de dépendance entre l'être humain et Dieu. Ainsi, « le moi qui se rapporte à lui-même et veut être lui-même devient transparent et se fonde en la puissance qui l'a posé ».
Le désespoir consiste en un privilège de l'homme sur l'animal, témoignant de la sublimité qui fait de l'être humain un esprit. Cependant, selon Kierkegaard, le désespéré est un esprit inférieur, toute possibilité étant abolie dans ses pensées subjectives. L'être désespéré est au stade esthétique (à prendre dans le sens de « sensation »), existant dans l'immédiateté de l'instant et des sens, errant sans ancrage. Si le désespéré découvre son propre désespoir, diverses possibilités s'ouvriront à lui. Il pourra prendre des décisions, l'alternative « ou bien... ou bien... » apparaissant devant l'être humain qui aura pu s'élever au stade éthique. De l'esthétique à l'éthique, l'indifférence passe à l'évaluation conscientielle. Toutefois, l'être éthique demeure désespéré, malgré le pas qu'il a fait vers le christianisme. C'est que pour atteindre le stade religieux, ou dogmatique, l'homme doit nier toutes possibilités et s'ancrer dans le réel tout en possédant une félicité propre aux chrétiens qui ont une véritable foi en l'Inconnu, c'est-à-dire en Dieu. L'homme éthique connaît son désespoir, mais il ne possède pas la foi. Il aimerait expliquer Dieu, mais le paradoxe surgit entre son être fini et l'infini du divin qu'il ne peut comprendre. Le religieux pour sa part surpasse le paradoxe par le biais de la foi, acceptant l'Inconnu, Dieu ne pouvant être appréhendé objectivement...

Alors que bien des philosophes ont forgé des systèmes philosophiques froids, se prenant au sérieux, Kierkegaard a opté pour une philosophie subjective, anti-systématique, chaque livre étant signé sous un pseudonyme différent. En effet, Kierkegaard aimait jouer différents rôles dans ses écrits, le masque étant omniprésent dans son oeuvre, malgré quelques rares livres signés de son véritable nom. Dans la philosophie kierkegaardienne, les contradictions foisonnent, et les perspectives ne sont jamais les mêmes... Bref, c'est un philosophe qui mérite d'être lu et apprécié.

1 commentaire:

Ariane Gélinas a dit…

Tu me traiteras de partiale si tu veux, mais je trouve cet article vraiment intéressant. Au plaisir de te relire, cher David ;)