vendredi 11 mars 2011

L'homme à la tête de chou mis en danse...


Il y a de ces gens qui, parfois, suscitent en nous un vif intérêt, voire une espèce de fascination entremêlée d'une profonde admiration. Des figures culturelles comme Baudelaire, Nietzsche, ou encore Chopin ont, à certaines époques de ma vie, exercé une influence de cet ordre sur ma personne. Or, depuis près d'un an, c'est Serge Gainsbourg qui fut pour moi une source d'inspiration, non pas tant en raison de la sortie du film Gainsbourg, vie héroïque (à la qualité très contestable) que par quelques évènements qui m'ont amené à découvrir sa musique, sa personnalité et sa vie.
Or, à ce moment-là, par un heureux concours de circonstances, les vingt ans de sa disparition se rapprochaient petit à petit ; en effet, Gainsbourg a succombé à une crise cardiaque le 2 mars 1991. Divers hommages lui ont ainsi été rendu ces dernières semaines ; parmi l'un d'eux, le spectacle de danse intitulé L'homme à la tête de chou, basé sur l'album éponyme, rend compte à merveille du grand respect qu'on attribue à son œuvre depuis déjà quelques décennies. D'autant plus que du 4 au 13 mars, le spectacle se produit tous les soirs à la Place des Arts, et ma copine a eu l'excellente idée de m'y amener en guise de cadeau d'anniversaire. C'est donc avec un bel enthousiasme que j'ai pu apprécier cette énième représentation du spectacle, qui fut plutôt bien applaudi par la critique.


Dès l'introduction de la pièce, un personnage s'approche d'une chaise, seul objet qui revêt une grande importance du début à la fin. L'homme, qui représente manifestement Gainsbourg de par la manière qu'il est accoutré, s'imprègne d'une sorte d'aura qui semble émaner de la chaise ; après quoi les autres danseurs surgissent tour à tour de derrière le rideau pour aussitôt envahir la scène et absorber eux aussi cette énergie mystérieuse qui prépare les chorégraphies à venir. La chanson L'homme à la tête de chou surgit alors des haut-parleurs avec une orchestration quelque peu transformée ainsi que la voix chaude d'Alain Bashung, qui rappelle fortement celle de Gainsbourg. Il est d'autant plus agréable d'entendre la narration sur cette musique rénovée qu'il s'avère sympathique qu'elle provienne d'un ancien ami du compositeur, les deux hommes ayant bu maintes rasades de whisky ensemble.
En ce qui concerne la musique en elle-même, il est à noter que L'homme à la tête de chou est le quatrième album-concept de Gainsbourg. Il s'agit en fait de l'histoire d'un homme complexé qui tombe amoureux de Marilou, une jeune shampouineuse, qu'il finit par tuer à coups d'extincteur sous l'impulsion d'une rage empreinte de jalousie. «Brandissant le cylindre d'acier je frappe paf et Marilou se met à geindre. De son crâne fendu s'échappe un sang vermeil identique au rouge sanglant de l'appareil.» Cet album-concept, paru le 18 novembre 1976, a pris un certain temps avant de devenir un franc succès. Le spectacle de danse, dont les chorégraphies sont l'œuvre de Jean-Claude Gallotta, prouve néanmoins que L'homme à la tête de chou a une certaine importance dans la culture française.


Les chorégraphies enlevantes se règlent parfaitement bien à la musique et sont d'une originalité indéniable. Une atmosphère érotique digne de l'œuvre de Gainsbourg enveloppe le spectacle, tant en raison de la quasi-nudité des personnages (sans compter la nudité totale de l'une des danseuses) que des gestes allusifs qui portent en eux une dose de sensualité qui se prête bien à la danse ; par exemple, des personnages féminins vêtus uniquement d'un blue-jean et d'un soutient-gorge se livrent à des danses lascives en s'agrippant au pantalon des danseurs, qui les accompagnent en mouvements rythmés avec un grand synchronisme. Et que dire du symbolisme qui apparaît ici et là tout au long du spectacle, si ce n'est qu'il rend hommage à l'histoire avec adresse ? La scène du meurtre se multiplie et s'étale d'un bout à l'autre de la scène, et le sang vermeil semble effectivement jaillir du crâne de chaque Marilou incarnée...
Au final, je ne peux que conseiller ce spectacle à ceux qui désireraient voir Gainsbourg d'une manière autre que l'image qu'on lui attribue d'ordinaire : celle d'un esthète cynique qui a sombré dans les vapeurs de l'alcool. Hier soir, il y avait d'ailleurs quelques places vacantes dans la salle, outre que le spectacle se répétera pour les trois prochaines soirées. Voici, pour finir, un petit extrait qui mettra peut-être l'eau à la bouche...


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