Susanna Hood est considérée comme une virtuose dans le monde de la danse et de la musique. C'est donc avec grand intérêt que j'ai assisté à sa dernière œuvre musicale au théâtre Scènes contemporaines La Chapelle. Celle-ci s'intitule Shudder, que l'on peut traduire par « frisson », et consiste en un spectacle de danse contemporaine où l'avant-garde prend une place considérable. Car, bien que l'ensemble soit présenté d'une manière purement théâtrale, des bribes d'histoire faisant surface de temps à autre à travers les nombreux éléments absurdes et illogiques qui constituent la pièce, Hood a concocté une œuvre musicale particulièrement dérangeante, où le vide semble engloutir toute la scène.
Le spectacle est en grande partie inspiré des toiles de Francis Bacon, lesquelles sont reconnues pour leur côté sombre et morbide, les personnages y étant souvent présentés le visage tordu et la bouche béante, comme s'ils exprimaient un malaise existentiel irrémédiable. Or, les personnages de Shudder expriment également un tel mal de vivre, et ce de différentes manières. Ils se livrent à des danses parfois fluides, parfois saccadées, entremêlées de hurlements et de souffles étouffés qui rappellent fortement le théâtre de la cruauté que valorisait Antonin Artaud. Les trois personnages de la pièce, interprétés par Susanna Hood, Dan Wild et Alanna Kraaijeveld, ne cessent tout au long du spectacle de s'amuser avec leurs perruques, qu'ils jettent sur le sol après les avoir portées fièrement, ce qui n'est pas sans évoquer les divers artifices qui abondent dans la société humaine. Et que dire de la scène où ils se battent tous trois d'une manière grotesque, figeant sur place tous les dix secondes en vue d'être photographiés, un large sourire étirant dès lors leurs lèvres tandis qu'ils fixent le public avec un regard empreint d'ironie ? Un pur délice...
En ce qui concerne l'aspect sonore et musical, tout est réussi. Des voix chantantes se fusionnent entre elles sans la moindre harmonie, donnant à la pièce une ambiance lugubre qui la rend davantage fidèle au style artistique de Francis Bacon. De plus, lors d'une scène où la lenteur des mouvements prédomine, un extrait d'opéra qui ne dure qu'environ quatre secondes ne cesse de se répéter d'une manière saccadée et purement dérangeante, ce qui donne un effet plutôt intéressant, d'autant plus que cette même pièce musicale revient vers la fin du spectacle, le morceau étant joué cette fois dans son intégralité. Du reste, à une ou deux reprises, la musique laisse place à un moment de pur silence qui n'est pas sans laisser l'auditoire dans une situation de malaise...
Shudder s'avère en définitive un spectacle réussi, les divers éléments qui en constituent l'ensemble s'harmonisant parfaitement, malgré leurs caractères hétéroclites, l'absurde laissant place au sens, le bruit au silence... Sans compter que le titre représente à merveille l'ensemble du spectacle, qui ne peut que faire frissonner le spectateur en raison de la rage et de la solitude qui y règnent du début à la fin.
1 commentaire:
Ça donne envie d'aller vérifier si tu dis vrai!
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