mercredi 21 janvier 2009

Petite histoire du suicide...


Hier matin, j'ai fait quelques recherches sur le suicide afin d'écrire un article sur le sujet. C'est un thème plutôt intéressant qui mérite, à mon avis, d'être franchement développé sous une forme philosophique. Certes, plusieurs philosophes ont traité du suicide dans leurs oeuvres, souvent de manière défavorable, mais je souhaite faire ma part à ce propos, même si pour l'instant mes idées ne sont qu'au stade d'ébauche. Pour le moment, je ne fais qu'exposer un petit historique qui me semble à première vue pertinent, bien qu'il s'avère très général.

Le terme suicide est apparu dans la langue française seulement autour de l'an 1734. Auparavant, on faisait mention d' "homicide envers soi-même". Il est bien connu que le concept du suicide suscite de l'horreur parmi les sociétés occidentales. Cette horreur est en grande partie une trace du christianisme, qui n'est pas encore complètement disparu.

Le suicide aurait traversé trois grandes étapes selon une conférence de Lucien Guirlinguer intitulée Le suicide et la mort libre : il aurait d'abord été l'objet d'une « malédiction théologique ». Selon Saint-Augustin, se tuer, c'est commettre un meurtre, c’est tuer un être humain et donc commettre un homicide contre le commandement divin du décalogue qui affirme que « tu ne tueras point ». Saint-Thomas d'Aquin réitère cette interdiction du suicide en développant trois raisons : le suicide est contraire à la nature humaine, à la volonté de vivre ainsi qu'à l'amour de soi-même. Suite à ces propos religieux, le suicidé est maudit, rejeté ; il subit l’exécution et les supplices réservés à un meurtrier et son cadavre est exposé aux carrefours.

La seconde étape du suicide serait l'interprétation que les sciences humaines auraient créée de celui-ci au cours du XIXe siècle. Le suicide est théorisé froidement ; les chercheurs étudient les divers phénomènes reliés à celui-ci et évaluent ce qui est de l'ordre du subjectif, c'est-à-dire les mécanismes psychiques conscients ou inconscients. Il est possible de penser à Émile Durkheim (1858-1917), l'un des fondateurs de la sociologie moderne, qui a démontré un certain parallélisme entre l'individualisme et le taux de suicides dans son livre Le Suicide (1897).

Finalement, le suicide serait tombé sous l'emprise de la psychiatrie, qui s'efforce dès lors de diagnostiquer et de soigner les individus à tendances suicidaires au nom de certaines normes sociales. Ainsi, le malheureux qui ne souhaite que la mort serait incapable de surmonter ses "échecs", qui présupposent évidemment un "droit chemin", une "norme", bref un "but" qui doit être visé par tous et chacun.

En somme, le suicide est perçu comme une faute ou un péché, un effet résultant de certaines causes déterminées, ou encore une défaillance psychologique... En un mot, le suicide serait une "faiblesse". Voilà un aperçu global – trop global... – de la façon dont le concept de suicide a traversé l'histoire occidentale depuis l'avènement du christianisme.


J'ai écrit ce petit résumé historique afin d'introduire une réflexion sur le sujet qui n'est encore qu'à un stade embryonnaire. C'est pourquoi ce message se veut simple et général...

4 commentaires:

Gabriel a dit…

Un petit commentaire cité de la Lettre à Ménécée d'Épicure:

"S’il est persuadé de ce qu’il dit, que ne quitte-t-il la vie sur-le-champ ? Il en a l’immédiate possibilité, pour peu qu’il le veuille vraiment."

Aigo a dit…

J'ai assisté en automne à une conférence de l'historien Robert Muchembled à l'occasion de la parution de son livre "Une histoire de la violence". Je n'ai pas lu le livre, mais d'après la conférence, sa théorie c'est que les évolutions de la violence font suite à des chocs démographiques, où la nouvelle génération se retrouve dans une impasse. Ces conjonctures se traduiraient par l'accroissement des meurtres commis. Cette dynamique aurait conduit à "tabouïser" le meurtre. La pénétration du tabou dans la société aurait fait que, sans que le phénomène de meurtre ne disparaisse complètement, il aurait été progressivement remplacé par le suicide comme "solution" à l'impasse.

Ce résumé beaucoup trop schématique pour t'indiquer que le livre de Muchembled pourrait peut-être t'être utile pour approfondir le sujet, d'autant que l'histoire que tu proposes dans ton article est plutôt intellectualisée et ne paraît pas tenir compte de l'évolution des moeurs.
Bonne chance dans ta recherche.

David Hébert a dit…

Gabriel : je trouve cette citation très intéressante ; cette forme d'ironie me plaît bien

Aigo : merci beaucoup de me faire part de cette conférence. :)
Je vais m'informer à propos de ce livre qui me semble très intéressant, comme si le "besoin" de détruire autrui finissait par se retourner contre soi-même par manque de moyens ! L'idée me plaît (beaucoup de choses me plaisent en fait...)

Coeus a dit…

Il y a un autre livre dont on m'a parlé qui pourrait t'intéresser : ça s'intitule La Mort Spectacle. Je ne connais pas l'auteur.

La seule chose qui me semble un peu décevante, c'est que de ce qu'on m'en a décrit, ce livre ne fournit pas de théorie explicative, il se contente de relater des faits.

Il traite, si on veut, de l'histoire de la violence dans les médias, de son "exposition au public". Je pense que ça peut être un point important à soulever dans une réflexion sur le suicide, puisque la personne moyenne est si encline à condamner les jeux vidéos violents, les films d'action et d'horreur, les niaiseries de YouTube, JackAss et d'autres soit-disant médiatisations de la pulsion de mort, comme autant d'exemples dont n'importe qui peut se nourrir, et qui poussent les gens à commettre des actes haineux ou suicidaires.

Ça me parait d'une certaine pertinence, même si c'est un livre qu'on lit normalement au Cégep...