samedi 28 mars 2009

Mozart et l'infidélité

L'atelier lyrique de l'Opéra de Montréal présentait l'opéra Cosi fan tutte de Mozart, que je suis allé voir avec Ariane. J'ai énormément apprécié l'ensemble de l'œuvre : les acteurs étaient jeunes et talentueux (les femmes étaient très séduisantes, ce qui ajoutait un brin de crédibilité à la présentation), l'orchestre jouait à un rythme superbe... Seuls les décors étaient pauvres, mais l'ensemble était si bon que je les ai oublié au profit de l'œuvre.
Cosi fan tutte a été composé en 1790 à Vienne, soit trois ans après la composition de Don Giovani (1787). C'est un opéra en deux actes, le tout d'une durée de près de trois heures. L'introduction musicale est du pur Mozart : une puissance sonore des plus intenses aux mélodies qui frôlent le vide et la vie, entremêlée d'un rythme joyeux à en faire trembler les corps, qui doivent se retenir pour ne pas danser (bonheur aux fous qui sont sans scrupules !). Il s'ensuit une histoire des plus intéressantes pour un opéra. Verdi, Puccini, Bizet... : que de triangles amoureux, de passions évanouies et de fins tragiques où l'être aimé meurt. Dans Cosi fan tutte, rien de cela : Don Alfonso, qui n'est pas sans rappeler Méphistophélès dans le Faust de Goethe, fait un pari avec ses deux amis, Guglielmo et Ferrando. Il parit quoi ? Que les fiancées de ces derniers peuvent être infidèles à leur égard. Les deux hommes se moquent du vieil homme, croyant pour leur part que leur bien-aimée ne peut être qu'irréprochables. Ils acceptent toutefois le pari, et feignent de partir à la guerre. Les femmes pleurent le faux-départ de leur fiancé, et blâment le mauvais sort que le destin leur aurait réservé. Par la suite, les deux hommes, obéissant aux ordres de Don Alfonso, se déguisent en albanais moustachus coiffés de turbans, et tentent de séduire les femmes, qui ne les reconnaissent aucunement. Mais qu'arrive-t-il ? Elles cèdent... Elles tombent amoureuses de ces hommes, mais chacune va vers celui qui n'est pas son fiancé. Les deux hommes, étonnés du comportement de leur bien-aimée, admettent que Don Alfonso a gagné le pari, et finissent par se dévoiler. Les femmes, honteuses, ne tentent aucunement de se justifier, et admettent avoir été infidèles. Est-ce que Mozart termine son opéra avec un ton moralisateur, comme il était si à la mode de le faire à cette époque ? NON ! C'est sur une musique joyeuse que tous comprennent que la fidélité est un leurre, et qu'il faut l'accepter, en raisonnant plutôt qu'en se laissant abattre par la sentimentalité qui résulte de cette humaine création qu'est l'amour. C'est sur un rire joyeux que l'opéra se termine, laissant de côté toute forme de tragédie qui va de pair avec l'idéalisme... Avec Mozart, c'est le réalisme : la réalité est acceptée telle qu'elle est, et c'est une affirmation de la vie qui est représentée dans Cosi fan tutte.
Bref, je suis grandement satisfait de ma soirée, puisqu'une œuvre de Mozart est toujours un plaisir, un délice... Ce dernier maîtrisait très bien le domaine de la musique, mais il a également su transmettre la vitalité, chose que les romantiques du siècle suivant détruiront au profit d'une noirceur digne des plus grands pessimistes de notre monde..­.

3 commentaires:

Gabriel a dit…

Voilà une manière intéressante de mettre en mot une impression artistique. J'aurais bien aimé aller voir cette pièce (surtout si les femmes étaient belles!). Nous en reparlerons!

Philippe-Aubert Côté a dit…

Ah! Le divin Mozart... :-)

J'avoue que si je connaissais le titre de Cosi fan Tutte je n'avais jamais lu l'intrigue. C'est intéressant que cela portait sur l'infidélité et que Mozart évite le ton moralisateur. Il était rebelle-avant-gardiste à sa manière... mais on ne peut s'en étonner de quelqu'un qui avait choisi, à l'époque, de mettre "Les noces de Figaro" en musique.

David Hébert a dit…

C'est vrai que Mozart était plutôt avant-gardiste. Je trouve que Cosi fan tutte complète très bien Don Giovani, deux opéras où l'infidélité est traité ; mais Don Juan est emporté en enfer par la statue, tandis que Don Alfonso, dans Cosi fan tutte, tient ce discours qui m'apparaît très intéressant :

« Tout le monde accuse les femmes, et moi je les excuse
De changer d'amour mille fois par jour ;
Les uns appellent cela un vice, les autres une habitude,
Quant à moi je crois que c'est une nécessité du cœur.
Il ne faut pas que l'amant abusé
Condamne les autres, mais se reproche sa propre erreur ;
Qu'elles soient jeunes ou vieilles, belles ou laides,
Répétez avec moi : elles font toutes ainsi ».