jeudi 30 septembre 2010

Un peu de poésie... (2)

Juste pour dire que j'ai publié six billets ce mois-ci...

Noir enfant des étoiles
au cœur catatonique à la tête historique
enjambe les jalons de bitume et de terre
d’un grand pas de géant de vermines et rubans

l’esprit aux milles rouages s’enflamme dans les sciences
de la gloire artistique – tac tic tac…
dansant à la santé des paons et des flutistes
sans égards pour les mondes éternels

le prisonnier des montres joue
au bout des chaînes et meurt au bout des astres
aux entrailles rougies de maniaques sourires
aux regards dépressifs entraînés par les flots
des moires horlogères sans pitié à l’égard des enfants étoilés

mercredi 29 septembre 2010

Une philosophie du dandysme


« Ce qui est vrai de l’art est vrai de la vie »

– Oscar Wilde


À force de vouloir percer le secret de l’être, la majorité des philosophes ont négligé le paraître. Pourtant, l’ensemble de ce qui constitue la réalité nous apparaît, puisque nous existons en cet instant même par le biais de la perception sensible. Sans la vue, l’ouïe et tous les autres sens connus à ce jour, la possibilité d’un monde existant s’évanouirait d’emblée. Mais il n’en est rien, puisque le monde existe, la raison étant que nous le percevons à travers notre faculté d’éprouver des sensations. Le paraître s’avère donc d’une importance primordiale en philosophie ; pour cette raison, il est tout à fait opportun de s’y pencher soigneusement afin de mieux cerner le rôle qu’il tient dans la vie d’un individu. Certains philosophes et artistes l’ont d’ailleurs fait avec un brio indéniable. La preuve en est que l’esthétique est devenue l’une des principales branches de la philosophie depuis Baumgarten, à qui l’on doit l’invention du terme. Sans compter que l’art du paraître est apparu vers le XVIIIe siècle sous le nom de « dandysme », qui peut être défini comme la doctrine de l’élégance, de la finesse et de l’originalité.

En quoi consiste au juste un dandy ? La définition ci-haut en donne une idée sommaire : c’est un individu qui s’efforce de bien paraître, c’est-à-dire de se vêtir avec une tenue appropriée ainsi qu’un soin raffiné, le tout accompagné d’une gestuelle maniérée, d’un langage soigné et d’une rhétorique maîtrisée. Il est manifeste qu’une telle pensée de l’élégance ne se limite en rien à la seule perception visuelle, puisqu’aux yeux du dandy, il s’avère aussi indispensable de posséder une juste connaissance de la langue parlée ainsi que d’être à même de créer des mots d’esprit à la fois comiques et spontanés. Il va sans dire que celui qui se plie à la doctrine du dandysme doit faire de terribles efforts pour y parvenir, la vie du dandy se rapprochant en cela d’une forme d’ascèse.



Des connaissances esthétiques profondes ainsi qu’une fine sensibilité s’avèrent donc indispensables pour évaluer les formes et les couleurs de manière spontanée tout en ayant pour unique base les passions illogiques du cœur et de l’esprit. Il suffit de mettre le pied hors de chez soi et de vagabonder à tâtons en société pour s’apercevoir que peu de gens possèdent un tel sens de l’esthétique. Le bon goût disparaît parmi les tee-shirts insipides aux logos variés et les blue-jeans qui se ressemblent tous et qui rendent compte d’une des principales craintes qui prédominent en société : celle de s’affirmer en tant qu’individu. Les occasions où nos yeux se hasardent sur une personne élégante au charme apaisant sont très rares. Et s’il est vrai que le dandysme fut jadis chose courante chez nombre d’intellectuels, notamment au XVIIIe et au XIXe siècle, les dandys sont quasi absents en ce XXIe siècle, où l’inélégance semble prisée avec une conscience assumée, ce qui relève d’un pathétisme à la fois triste et risible.



Ces modestes propos peuvent sembler offensants pour ceux qui n’accordent que peu d’importance à leur manière d’être et de paraître dans le monde. Il s’agit néanmoins d’un simple constat, d’une pensée peu développée, mise sur le papier de manière spontanée, dans l’instant. Loin de moi l’idée de reprocher aux gens leur manque de raffinement et de bon goût en matière de vêtements, ou encore de me moquer de leur ignorance de la langue parlée ! Ce n’est de toute manière qu’une simple question de goût, ce qui concerne l’indéterminé et l’immensurable. Et juger les goûts d’autrui par rapport aux siens propres n’est guère une activité prisée par le dandysme, doctrine qui se doit d’être distinguée de celle du snobisme…

Être dandy relève donc d’un choix individuel. C’est une forme d’apologie de l’individu par rapport à la société, qui tente d’absorber celui-ci afin de le fusionner avec autrui en un amas uniforme et abstrait. Or, il s’agit ici de mettre en avant-plan le monde concret, et, par conséquent, les perceptions sensibles qui permettent à l’individu d’exister. C’est en quelque sorte une louange à la beauté visuelle et sonore. Et pourquoi pas un éloge au bon goût en matière de boisson et de nourriture, des bonnes odeurs, du choix d’un encens au parfum extatique, et peut-être même des caresses agréables, prodiguées avec un soin tout particulier ?

J’en viens au point final : le paraître est tout, car ce qui est nous apparaît. Et si le dandysme demeure un choix individuel à caractère intellectuel, le paraître de l’être consiste quant à lui en une réalité nécessaire. C’est donc du côté des sens que les philosophes trouveront le fond même de l’existence. Quant au reste, il faut faire appel au langage…

jeudi 23 septembre 2010

Les vapeurs de l'existence


L’essence du monde se révèle sous l’aspect d’une immense toile aux couleurs variées qui s’embrasent en un pur effet de clair-obscur, tandis que l’existence correspond au modèle sur lequel les créateurs d’essences s’inspirent dans leurs folies abstraites. Il s’ensuit qu’il ne peut y avoir d’essence qu’à la suite d’une prise en compte de l’existence, celle-ci se révélant aux consciences créatrices dans toute sa nudité ainsi que sa fraicheur éternelle ; d’autant plus que l’existence, qui n’apparaît dans les faits que sous forme d'un perpétuel devenir, ne peut en aucun cas se réduire au statut d’essence, échappant sans cesse au langage qui tente en vain de la saisir en un effort désespéré.

Or, l’existence est et demeure ce qui est insaisissable, c’est-à-dire ce qui ne peut en aucune manière se traduire en langage ; et pourtant, elle est bien là, devant nos yeux, tel un mirage vaporeux qui s’estompe à mesure que nous tentons de l’approcher ; tel un idéal fallacieux qui arrache l’être humain à sa propre matérialité, le poussant à sévir cruellement contre lui-même. – Ai-je dit « être humain » ? Pour sonner plus juste, il serait préférable de le désigner sous l’appellation d’être tragique par excellence


samedi 18 septembre 2010

L'inconnu du Nord-Express


Au cours d’un voyage en train, Guy Haines rencontre par hasard Charles Anthony Bruno, un type aux idées morbides qui affirme éprouver une haine féroce envers son père. L’inconnu finit par lui proposer de tuer chacun de leur côté pour le compte de l’autre ; en effet, puisque les deux hommes n’ont aucun lien entre eux, hormis leur discussion à bord du train, il serait difficile, voire impossible pour la police de résoudre l’énigme cachée derrière les meurtres. Sur le coup, Guy ne prend guère son interlocuteur au sérieux, croyant qu’il lit simplement trop de romans policier. Mais les choses prennent une tournure cauchemardesque lorsqu’on lui apprend que sa femme, avec qui il s’apprêtait à divorcer, a été retrouvée morte dans un parc d’attraction…
L’inconnu du Nord-Express est le premier roman de Patricia Highsmith, et non le moindre. Dès sa parution en 1950, le fameux cinéaste Alfred Hitchcock a été si ravi par l’histoire qu’il en a fait une adaptation pour le cinéma l’année suivante (!). Tout au long du livre, l’intrigue tient en haleine le lecteur à travers un récit aux descriptions riches et aux dialogues fort bien construits. Le personnage de Charles Anthony Bruno est à lui seul un sujet de fascination pour les amateurs de récit aux teintes psychologiques, tant de par son attitude de dandy cynique qu’en raison de ses idées sombres et meurtrières.


Hormis un léger excédent de descriptions qui ne nuit en rien au roman, L’inconnu du Nord-Express possède un rythme bien équilibré qui permet de rendre à merveille l’effet de suspense escompté par celle qui affirmait détester plus que tout les romans policiers. Et pourtant, Highsmith débutait avec ce premier livre une carrière d’écrivain qui l’a rendue célèbre pour ses thrillers psychologiques, et surtout pour son personnage de Tom Ripley, qui verra le jour cinq ans plus tard…

dimanche 5 septembre 2010

Magenta (extrait)


Voici un court extrait de ma nouvelle Magenta, qui paraîtra cet automne dans le numéro 10 de Katapulpe :

"Blottie dans mes bras, elle sourit, les paupières à demi fermées. Je lui caresse tendrement la joue et me laisse enivrer par le parfum qui se dégage de sa chair délicate. Je la trouve si belle. Décidément, elle aura été l’une de mes meilleures amantes. Elle m’a fait jouir avec un talent remarquable, ce qui est plutôt rare. Et sa cyprine était agréablement délicieuse. Il est dommage qu’une femme aussi douée doive périr. Car s’il est vrai qu’elle m’a procuré du plaisir avec une générosité indéniable, il s’avère selon moi inacceptable que je demeure passive, sans ne rien offrir à mon tour. À vrai dire, je privilégie fortement l’action. Il en est de même pour la cruauté…"

jeudi 2 septembre 2010

Un nouveau souffle...

La saison estivale est terminée depuis déjà un certain temps pour nombre de gens et s'amenuise petit à petit pour les autres. En ce qui me concerne, le 7 septembre prochain marquera le début de ma deuxième session à la maîtrise, ce qui toutefois ne m'empêchera aucunement de peaufiner de temps à autre mes projets personnels, qui progressent au fil du temps sans pour autant se manifester. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle je ne blogue que très peu, n'ayant rien de vraiment concret à partager, d'autant plus que je préfère mettre mes efforts ailleurs, là où tout n'est encore que "projets-à-venir".
Pourtant question de me contredire un peu , je souhaite faire un effort supplémentaire en vue de rendre ce blogue plus intéressant, moins vide et stagnant. Mais que pourrais-je bien y écrire qui soit à la fois sensé et attrayant ? Des impressions, des critiques, des pensées ? Pourquoi pas un peu de tout ça ? N'est-ce pas d'ailleurs l'utilité d'un blogue que de partager des mots en lien avec sa propre subjectivité ? Qui plus est, il pourrait également s'agir d'une excellente façon d'exercer sa plume sans pour autant se sentir coupable si une tournure maladroite ou un mot mal utilisé venait à se glisser à l'intérieur du texte, qui n'a ici aucune prétention littéraire, si ce n'est celle d'écrire pour écrire.
Donc, comme je le mentionnais plus haut, l'été laissera bientôt place à l'automne. Pourtant, le retour aux travaux et aux recherches théoriques n'est aucunement négatif à mes yeux, puisque les trois derniers mois furent consacrés à l'écriture de quelques nouvelles, de même que du premier jet d'un roman, qui sera très bientôt parachevé. Et comme toute chose, l'écriture est une activité qui demande quelque période de repos afin de se ressourcer de différentes manières, par exemple en lisant et en apprenant des choses de toutes sortes. Car si l'acte de l'écriture exige une sorte de don de sa personne, une extériorisation de ses pensées réelles ou imaginaires, la lecture et l'apprentissage ne vont pas sans une certaine ouverture au monde, qui en a beaucoup à dévoiler. Et si cette ouverture permet d'une part de refaire le plein d'idées et de reprendre son souffle afin d'éventuellement s'abandonner de nouveau à l'inspiration ainsi qu'à l'écriture, elle permet d'autre part de se heurter contre ce qui lui est encore inconnu. Il résulte d'un tel "heurt" de l'étonnement, de l'émerveillement ; et souvent, l'inspiration surgit du même coup, de là l'importance d'être aux aguets face à la réalité externe.
Pour conclure ce court billet quelque peu épars, j'affirme que dernièrement, un tel "heurt" s'est produit chez moi alors que je découvrais la plume d'Alfred de Musset, poète romantique d'origine française qui a vécu durant la première moitié du XIXe siècle. Or, bien qu'il ait surtout écrit de la poésie, c'est son roman La confession d'un enfant du siècle qu'il m'a été donné de lire, ouvrage qui raconte d'une manière plus ou moins autobiographique la relation qu'il a entretenue avec George Sand alors qu'il était encore à l'aube de la vingtaine. Mais ce qui m'a surtout marqué dans ce livre, ce n'est pas tant l'histoire plutôt banale à vrai dire que la musicalité qu'on y trouve, Musset ayant réussi à faire couler les mots avec une limpidité toute particulière, sans pour autant omettre la profondeur des propos qui forment l'ensemble du roman, chaque phrase étant saisissante en elle-même. De plus, Musset a mis de l'avant ça et là des bribes d'idées fort mémorables, telles que "Il y a un danger terrible à savoir ce qui est possible, car l'esprit va toujours plus loin", ou encore "Il est doux de se croire malheureux, lorsqu'on n'est que vide et ennuyé". Pensées très romantiques, certes, mais qui regorgent d'un esthétisme indéniable qui laisse rarement indifférent...