mercredi 10 février 2010

Les sept jours du Talion


Hier, puisque j'avais un peu de temps libre, j'en ai profité pour aller voir Les sept jours du Talion, dernière adaptation d'un roman de Sénécal, après Sur le seuil et 5150, rue des Ormes. C'est l'histoire d'un père qui souhaite venger sa fille, violée et assassinée brutalement par un homme qui sera arrêté par la police quelques heures seulement après la réalisation du crime. Pour ce faire, il forge un plan afin de capturer le criminel, et une fois en sa présence, s'enferme avec ce dernier dans une demeure rustique au fond d'un bois, dans l'intention ferme de le torturer sur une période d'une semaine. Et tout au long du film, son esprit vengeur demeure fidèle à la fameuse Loi du Talion...
Je précise d'abord que je n'ai pas lu le roman, et qu'il m'est difficile de comparer le film à celui-ci. Je sais toutefois que dans le livre, le récit se déroule du point de vue du personnage principal, et que pour cette raison, une adaptation cinématographique n'était pas chose évidente. Claude Legault, dans le rôle du père, devait donc exprimer les sentiments de son personnage d'une manière purement physique, et de ce côté, chapeau ! Car son jeu d'acteur est des plus réussis. Son regard est rempli de haine, et ses traits expriment manifestement un désir insatiable de vengeance. Et que dire de la performance de Martin Dubreuil, si ce n'est qu'il joue le rôle du pédophile avec un réalisme étonnant...
Le film se caractérise également par une absence totale de musique, ce qui n'en rend l'ambiance que plus troublante. La cruauté est crue, et n'est soutenue par aucune trame musicale qui pourrait suggérer des émotions aux auditeurs. Seuls les cris du torturé et le bruit des coups et autres tortures tiennent lieu de trame sonore, ce qui crée une atmosphère noire, très noire, au point où il est difficile de ne pas faiblir à la vue des actes vengeurs du père. Surtout que le début du film est assez bouleversant, et que le reste ne fait que prolonger le sentiment de malaise qui nous est suggéré jusqu'à la fin.


Par contre, Les sept jours du Talion comporte de nombreuses longueurs, comme si l'on voulait déranger l'esprit des auditeurs par le biais de scènes fixes et silencieuses. Si tel est le cas, l'effet n'est pas toujours des plus convaincants. De plus, une scène m'a particulièrement fait rire en raison de son caractère cliché : le père qui voit sa fille... C'est selon moi une bien triste mode que de constamment insérer des « retrouvailles-touchantes-purement-illusoires » complètement ridicules entre un personnage et un proche décédé. Ça ne fait que gâcher l'élan d'une histoire tellement ce genre de scènes est absurde et presque toujours mal rendu visuellement.
Mais si Les sept jours du Talion n'est pas parfait (existe-il seulement un film parfait dans l'histoire du cinéma ?), ça reste un bon divertissement qui comporte de nombreux éléments qui en valent le coup. Je le conseille donc à ceux qui apprécient les sujets noirs et réalistes. Et je suppose qu'il sera davantage intéressant pour ceux qui ont déjà lu le roman.

lundi 8 février 2010

L'univers sinueux d'Acquefacques


Je n'ai pas écrit une seule ligne ici depuis plusieurs semaines. La raison est simple : le temps me manque, et je préfère mettre l'accent sur ce que je privilégie, au détriment de ce blogue que je n'ai d'ailleurs aucunement abandonné. J'en profite néanmoins pour faire une critique d'une bande dessinée qui m'a été conseillée par des amis, que je remercie pour la découverte.
Depuis mon enfance, époque où je me livrais quotidiennement aux lectures de bandes dessinées telles que Tintin, Astérix ou encore Boule et Bill, je n'ai pratiquement lu aucune BD, et c'est seulement à ce jour (tard, j'en conviens) que je m'aperçois qu'il en existe d'excellentes, plus sombres, avec des idées originales et dignes d'intérêt qui ne peuvent être réalisées que dans un tel format. C'est du moins l'impression que m'a laissée L'Origine (1990) de Marc-Antoine Mathieu, premier tome d'une série qui relate les aventures de Julius Conrentin Acquefacques. L'histoire commence lorsque ce dernier, un employé du Ministère de l’Humour qui ne se démarque en rien des autres employés, reçoit un jour une enveloppe, à l’intérieur de laquelle il découvre une page de bande dessinée qui raconte sa propre histoire – une page de L’Origine, la bande dessinée en question dans ce billet (!). C’est alors que Julius prend conscience de sa propre aventure par le biais de pages qu’on lui envoie mystérieusement…
Le monde dans lequel évolue Acquefacques est sorti tout droit de l’univers des romans de Franz Kafka. Le nom de ce personnage n’est en effet que l’envers de « Kafka », et l’humour s’avère aussi absurde que celui que l’on retrouve par exemple dans Le château. De plus, les décors dans lesquels l’histoire se déroule ressemblent grandement à ceux qui caractérisent le film Brazil du réalisateur Terry Gilliam. L’atmosphère est noire, grotesque, et les personnages semblent à première vue complètement illogiques.
Quant à l’histoire, l’idée centrale, bien qu’elle soit simple, est d’une originalité toute particulière, puisqu’elle amène une réflexion sur la création artistique en elle-même. L’Origine consiste en une mise en abîme qui se prolonge à l’infini, et où le temps joue un rôle particulier, compte tenu le personnage qui s’observe lui-même dans le passé et le futur par l’entremise de pages qui racontent sa propre aventure, laquelle se déroule à l’instant même où il la lit. Et que dire de la fameuse « anti-case », dont je ne révélerai pas le mystère ici ? L’Origine est donc une bande dessinée qui en vaut grandement le coup, tant pour l’originalité des idées qui s’y trouvent que pour l’esthétique et l’atmosphère absurde qui s’en dégage. La lecture du premier tome m'a donné envie de continuer la série, et de considérer de plus près l'univers de la BD. Le Naufragé de Memoria m'a d'ailleurs été conseillé. Ce sera probablement dans mes prochaines lectures...