lundi 28 septembre 2009

Bagatelle esthétique


Dans le cadre d'un cours de philosophie, une réflexion sur la sculpture Âme damnée de Bernini a été mise de l'avant par l'enseignant. Le cours en question portait sur l'esthétique de Hegel, pour qui l'universel, c'est-à-dire le concept, se particularise à travers l'œuvre d'art, donc se manifeste dans le monde concret. Inutile d'aller plus loin ici avec la pensée hégélienne, qui est bien assez obscure pour que je veuille la laisser dans son obscurité. Je souhaite seulement exposer ce qui a été dit dans le cours à propos du buste de Bernini par rapport au concept qui, suivant l'idéalisme hégélien, apparaît à travers la sculpture. Si l'on observe bien la photo ci-haut, il est évident que le visage du personnage exprime de la souffrance. Le concept universel de cette œuvre serait donc la souffrance. De plus, le titre de la sculpture, Âme damnée, vient appuyer ce propos.
Or, une étudiante s'est interrogée sur la volonté de l'artiste. Se pourrait-il que son œuvre soit un échec ? Et si Bernini désirait exprimer la jouissance à travers sa sculpture ? Que répondre à cela ? Serait-il préférable de sortir le défunt sculpteur de sa tombe afin de lui poser la question : souhaitiez-vous exprimer la jouissance par l'entremise de votre personnage, bien que la terreur émane de ses yeux ridés, ses traits s'étirant en une grimace affreuse ? Que répondrait la carcasse de Bernini, sinon : jeune fille, en plus d'avoir bien cerné la souffrance exprimée par ma sculpture, j'ose croire que tu as compris le titre que je lui ai donné, car il serait douteux qu'un homme damné soit joyeux en plein cœur d'un monde chrétien.
Une telle réponse est déjà vide de sens, puisque l'hypothèse d'une résurrection de Bernini est impossible. De plus, l'expression du visage ainsi que le titre de l'œuvre sont amplement suffisants pour une interprétation satisfaisante. Pourquoi chercher à comprendre une œuvre d'art en inventant des hypothèses situées dans des mondes possibles, donc fictifs, alors que son sens nous saute aux yeux par le biais de signes évidents ? Si la philosophie esthétique a été mise de côté depuis quelques décennies, c'est peut-être en raison de ce genre de questionnements douteux.

3 commentaires:

jenni a dit…

Bonsoir,
Je partage ton opinion sur l'expression de la souffrance a contrario de celle de l'extase
bien que la réflexion de cette jeune fille ne soit pas sotte, que l'artiste soit toujours sous la
gouverne d'un message à transmettre, et en cela le dessin et le dessein ne font qu'un:
il y a difficultés et tentation de l'échec qu'à éprouver Michel Ange lui même avec ses sculptures non finito,
c'est à dire en les laissant à l'état d'ébauche
ou bien tentation d'hypercorrection, en remaniant et forçant le caractère de l'oeuvre,
tentative d'assouvir un désir de perfection au détriment de celui de l'harmonie (et de l'équilibre mesuré):
ce trait est particulièrement inscrit dans la mouvance baroque dont fait parti le Bernin.

Il est commun de savoir qu'il n'y a pas plus proche que l'amour et la haine
de même, en expression faciale, l'extase et la souffrance sont univoques.
Mais je ne me fais pas ici le défenseur de cette jeune fille, non, je voulais aller plus loin que ton
sentiment :
tout d'abord il faut savoir que c'est une oeuvre de jeunesse, et une tentative de restitution des passions,
mais il y a plus ici que simple retranscription: la damnation, le supplice du dam autrement dit
inventé postérieurement par les théologiens pour expliciter les tourments des pénitents du purgatoire,
c'est la privation de la vision du dieu: impossibilité de le voir
de le saisir
de l'aimer: on passe de la lumière à l'ombre, on sombre vers les profondeurs infernales.
Je pense que c'est cette métamorphose de l'homme jugé et condamné (en son âme, en son éternité!)
qui est ici sculptée:
on connait l'appétence du Bernin à saisir in media res l'action (à voir le couple Apollon et Daphné qui se change en laurier,
une autre oeuvre de jeunesse) ainsi que son goût pour les oppositions : Apollon est en même temps désir et peur;
l'âme damnée, si elle est souffrance (et les plus grandes douleurs sont muettes: un cri informulé que les yeux braqués vers l'abîme restituent dans
cet écarquillement intense et plein de fixité.... fixité et immobilité absolue, stase infernale = petite digression stylisticolyrique ^^ désolé) ...
si l'âme damnée fondamentalement ne peut ressentir que de la souffrance
(...)

jenni a dit…

(suite...)la puissance de cette tourmente là génère autre chose, un non so che en plus, et c'est ce qui m'a sauté aux yeux en lisant ton commentaire avec cette face
sous les yeux:
peut être simple vue de l'esprit ou scholastique/ sophisme aisé puisque avec des mots bien agencé on peut dire tout et n'importe quoi
en restant envisageable;
non il me semble bien que l'extase n'était pas une proposition aussi sotte,
ni aussi dénué de fondement que cela.
Regardes:
les oppositions des passions mettent en relief la torsion de l'âme
la douleur lorsqu'elle atteint un certain seuil (et ici il ne s'agit pas du moindre)
désincarne :
on titre l'âme mais on représente un être humain: il y a somatisation d'une douleur psychogène, différence d'avec l'allégorie qui est une idée abstraite
revêtant une apparence humaine? Non pas,
mais la nuance n'est pas là: elle a rapport entre le corps, éphèmère,
l'âme éternelle et la statue 'durable' :
pas de hiérophanie ou de théophanie possible dans cette thématique de la damnation.
Cependant, la passion est vectrice entre ces existences polysémiques du corps de l'âme et de la statue.
La passion transporte, rend autre,
et c'est bien la signification étymologique de l'extase que nous avons là:
ex stasis, sortir de soi, fuir l'immobilité....
Immobilité du matériau (le marbre) employé, fixité du regard scultpé, éternité de la condamnation représentée.
Cette espérance dans l'effroi trouve son germe, son ferment dans l'ater ego de l'Ame Sauvée qui lui fait pendant.
Tu retrouvera cela en zieutant la carmélite en extase (Ludovica Albertoni) avec sa fièvre (hiérophanie secrète de la chair) et son impatience hiérogamique
où le Bernin réutilise la dichotomie joie/douleur dans ce moment de l'ultime métamorphose qu'est l'agonie...
Et ô non mais regardes moi ça (aussi) :
le rapt de Proserpine:
http://jmbellot.blogs.com/.shared/image.html?/photos/uncategorized/rapt_de_prosperpine_bernin_2.jpg
http://4.bp.blogspot.com/_GzHiKu_i9kk/StzljsPTH5I/AAAAAAAAAwc/qNV8NETNSOU/s1600-h/BERNINI.jpg
est ce que la mort (Pluton) s'accrocherait à l'amour, au désir, à l'espoir avec autant d'intensité s'il n'était pas voué
aux Enfers, et cela sans espoir d'en sortir (car devant le régenter), sans désir de le faire (car sa fonction est un devoir et non une vocation)?
Il y a tout ce que l'on ne réussit pas à se donner soi même dans l'altérité...
En espèrant que peut être tu trouvera des accointances philosophiques voir dans l'hermétisme hégélien avec mes dires... Bien à toi.

Unknown a dit…

qu'il faut savoir sur les nouvelles nouvelle esthétique. göğüs estetiğiI will recommend your site to the other platforms.Sacekimi